Architecte-conseil au ministère de l’Urbanisme et du Logement depuis 1970, Jacques Bardet a une activité qui rencontre souvent celle des architectes des bâtiments de France. Il nous fait part ici d’une expérience de reconquête urbaine qu’il vit actuellement à travers un de ses chantiers parisiens.
Interview de Jacques Bardet par Jean-Louis Hannebert
La Pierre d’Angle : Jaques Bardet, nous sommes ici rue du Montparnasse, au cœur d’un quartier particulièrement animé de Paris. Quelle était la situation urbaine de cette voie quand la Régie immobilière de la Ville de Paris a lancé le concours dont vous avez été le lauréat ?
Jacques Bardet : La rue du Montparnasse a été construite avec beaucoup d’unité vers le milieu du XIXe siècle. Le Bureau d’aide sociale de la Ville de Paris y avait réalisé dans les années 1960 un bâtiment de dix niveaux qui tranchait sur son environnement par sa hauteur presque double, sa couleur mauve et son retrait de dix mètres par rapport à l’alignement, ce qui stérilisait une bande de terrain entre l’ancien et le nouvel alignement. La problème posé consistait à construire une extension sur la parcelle voisine, tout en intégrant l’ensemble à la vie urbaine du quartier Montparnasse.
P. A. : Quel était le programme du maître d’ouvrage ?
J. B. : Il s’agissait d’une part de construire trente-neuf ateliers pour accueillir des artistes âgés ainsi qu’une salle d’exposition au rez-de-chaussée et, d’autre part, de restaurer et réaménager les trente-deux appartements existants en trente-deux studios, en les intégrant à l’ensemble.
P.A. : Intégrer au quartier, c’est la préoccupation constante des architectes des bâtiments de France, tant sur le plan sociologique qu’architectural. Les deux points de vue me semblent d’ailleurs intimement liés. Quelles réponses avez-vous apporté à ces problèmes ?
J.B. : Nous avons voulu que le nouveau programme ne se juxtapose pas à l’immeuble existant mais qu’il l’entoure, en rétablissant une continuité urbaine. Pour cela, les deux murs mitoyens latéraux ont été construits de deux petits immeubles qui suivent l’alignement et le gabarit ancien. On détermine ainsi une cour ouverte sur la rue par un portique qui permet une interpénétration des espaces publics et privés. L’idéal pour moi serait qu’on pénètre dans cette maison des artistes et notamment dans sa salle d’exposition, presque sans qu’on s’en aperçoive.
P.A. : Les ateliers d’artistes ont généralement une grande hauteur sous plafond. Comment avez-vous résolu ce problème puisque le bâtiment existant vous imposait des hauteurs uniformes de deux mètre cinquante ?
J.B. : J’ai tenté une relecture des ateliers de Montparnasse. J’ai constaté que s’il est intéressant de disposer dans certain parties d’un atelier d’une plus grande hauteur sous plafond, n’est pas indispensable de conserver deux mètres cinquante partout et que certaines zones peuvent gagner en intimité, en recueillement, en étant moins hautes. J’ai donc alterné dans les ateliers les parties mesurant trois mètres et celles mesurant deux mètres. Il en résulte un effet de contraste qui anime les volumes.
P.A. : Comment avez-vous traité l’espace arrière de l’immeuble ?
J. B. : J’ai voulu créer un patio, c’est-à-dire une zone de repos et de rencontres qui desservira quelques ateliers à rez-de chaussée et où je souhaite qu’il puisse y avoir des contacts entre les résidents.
P.A. : Comment pourriez-vous définir le sens de votre recherche”?
J. B. : J’avais à faire une “réparation” et une reconquête du tissus urbain. J’ai refusé toute architecture “d’accompagnement” et j’ai voulu insérer mon architecture de 1984 “en respectant la continuité historique de la Ville”. Maintenant, j’ai hâte que le chantier se termine, que l’immeuble soit habité pour le sentir vivre avec ses habitants !